On the road again, le cinéma de Bouli Lanners
Synopsis
On the road again, le cinéma de Bouli Lanners tient les promesses évoquées par son titre. Sur la route, avec cette vieille mais très classieuse Mercedes rouge, le réalisateur liégeois se livre et part à la rencontre de son histoire, de ses racines.
Bouli aime prendre la route et en tire une sorte de jouissance pure, une influence majeure pour son travail. Benoît Mariage revisite en sa compagnie les divers lieux de tournage, et met à jour l’importance de cet ancrage territorial dans son cinéma.
Bouli est un personnage à part entière. Les rencontres ont également façonné son être, aiguisé sa vision, forgé son âme. Comme cet éducateur évoquant en souriant les bêtises du jeune Bouli, déjà frondeur, au collège.
En chemin, il s’ouvre au rapport à son père, figure importante de sa vie, disparu trop tôt, et qui ne pourra être témoin de son succès. Il évoque également sa carrière cinématographique, exprimant ses angoisses de réalisateur autodidacte, confronté à l’apprentissage constant du métier.
Le cinéaste est philanthrope. Dans un monde où le cynisme est de mise, il croit toujours à l’originelle bonté de l’humain et fera en sorte de la retrouver en chacun. Et plus encore auprès des personnages décalés, en rupture sociale, qui hantent son œuvre.
On the road again, le cinéma de Bouli Lanners est un road movie dans le pur esprit américain. Il sent la poussière laissée par le passage d’une voiture. Il sent le cuir craquelé d’un siège trop usé. Voyage onirique, épopée moderne qui place d’emblée le spectateur au côté de Bouli.
En 60 minutes, les confidences se font jour tandis que les kilomètres défilent. A travers les chemins de Bouli Lanners, Benoît Mariage filme une Wallonie aux couleurs chaudes et au décor enchanteur, transcendée par le Cinémascope, réalisant un parallélisme avec Les Géants. Une œuvre magistrale pour tout qui souhaite, un court instant, prendre part au voyage. Reste juste à attacher la ceinture…
Quand on m’a proposé, dans le cadre de la collection Cinéastes d’aujourd’hui initiée par la Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de réaliser un film sur Bouli Lanners, j’ai accepté de suite et sans réserve. J’aime son cinéma. Il me parle et me touche.
D’abord parce qu’il s’ancre dans une réalité que je connais, que j’aime et qui est aussi la géographie de mes films: une Wallonie singulière qui se dévoile sans faux semblants. Tendre et joyeuse, triste et déglinguée.
La filmographie de Bouli est pétrie d’une grande humanité.
Pourtant l’œuvre affiche un regard sceptique et plutôt pessimiste sur la société et son évolution. Ce qui ne me paraît pas contradictoire. Je pense que Bouli, en tant qu’artiste responsable et engagé, s’inscrit pleinement dans cette optique. Pour lui, une société sans fraternité est vouée à l’errance…
Au delà du cinéaste et de l’acteur, il y a l’homme qui impressionne par son humanité.
Une humanité révélée par son visage, mélange à la fois d’une grande puissance et d’une profonde tendresse. Un visage ancré dans la terre et taillé pour affronter les mers.
L’humanité de Bouli est au cœur du film. Elle est la matière du film.
Car l’œuvre de Bouli n’est que l’émanation de sa personnalité. Et sa personnalité ne s’est forgée que dans la matière d’une histoire unique et singulière. Bouli vient d’un milieu populaire, de père douanier et de mère femme d’ouvrage. C’est un vrai autodidacte dans son métier. Il est passé par presque tous les postes que ce métier peut offrir.
Une amitié de quinze ans nous lie. Durant ces années, nous avons souvent échangé sur notre travail respectif. A toutes les étapes d’élaboration de nos films. De l’écriture au montage.
Bouli est, de plus, le seul comédien qui a joué dans mes quatre films.
La curiosité profonde des gens et de leur manière de vivre, d’évoluer ou de penser, ce besoin de comprendre et d’entrer en empathie, tout cela est au cœur de la personnalité de Bouli. C’est cette curiosité qui alimente son écriture. C’est cette même curiosité qui doit nous nourrir.
Dès que j’ai envisagé ce film, très vite, une évidence nous est apparue : le cinéma est l’expression de ce qui nous construit, dans le terreau de nos blessures, de nos chagrins, de nos joies, de nos rencontres, de nos amitiés et de nos amours. Ce qui nous fonde.
Mais ce qu’il offre dans ses films, ces situations aussi étranges, profondes, ou dérisoires soient-elles, ne sont pas seulement liées à son sens de l’observation, sa perception du monde ou l’acuité de son regard.
- A quoi sont-elles liées alors ?
- Qu’est-ce qui fait qu’il n’adapte jamais la réalité comme on adapterait un livre, avec force décortication, dissection ?
- Qu’est-ce qui fait que nous ne sommes pas non plus face à une simple transposition de la réalité dans ses fictions ?
- D’autres processus interviennent ici, entrent en action, pour que cette réalité soit régénérée, et transmuée dans un art d’essence poétique.
- Par quelle alchimie ?
Pour le découvrir, le ressentir, il faut plonger dans le hors champ de son cinéma.
Ce hors champ n’est pas un autre monde, un non vu purement extérieur. Ce dehors est là, quelque part dans ses films, disponible, agissant plus ou moins directement de l’intérieur même des événements fictionnels.
Benoît Mariage
Licencié en Droit de l’UCL, il obtient ensuite en 1987 un diplôme de réalisation de l’INSAS. Il entame sa carrière professionnelle par des reportages photographiques pour le journal Vers L’Avenir avant de faire ses premiers pas comme réalisateur dans le magazine de télévision de la RTBF Strip-tease, pour lequel il réalise de nombreuses séquences.
Il fonde ensuite sa propre maison de production pour laquelle il réalise plusieurs documentaires dont certains ont l’Afrique pour sujet. En 1992, il interprète un journaliste dans le film C’est arrivé près de chez vous. En 1997, il réalise son premier film de fiction : Le Signaleur, court métrage tourné en noir et blanc, avec lequel il décroche, entre autres, le Grand prix de la critique à Cannes ainsi que le Prix du Jury du festival de Clermont-Ferrand en 1998. En 1999, Les convoyeurs attendent reçoit le Prix du Festival International du Film de Stockholm (Cheval de bronze).
En parallèle de ses créations artistiques, il enseigne à l’IAD à Louvain-la-Neuve.
Filmographie
– La Terre n’est pas une poubelle (1996 – court métrage), avec Julos Beaucarne
– Le Signaleur (1997 – court métrage), avec Benoît Poelvoorde et Olivier Gourmet
– Les convoyeurs attendent (1999), avec Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Dominique Baeyens
– Némadis, des années sans nouvelles (2000), documentaire tourné en Mauritanie
– L’Autre (2003), avec Dominique Baeyens, Jan Decleir
– Cowboy (2007), avec Benoît Poelvoorde, Julie Depardieu, Gilbert Melki
– Les Rayures du zèbre (2014), avec Benoît Poelvoorde
Réalisateur : Benoît Mariage
Co-scénariste : Luc Jabon
Chef opérateur : Remon Fromont
Son : Marc Engels
Montage : Nicolas Rumpl
Producteurs : Francis Dujardin (Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles)
Olivier Dubois et Bernard de Dessus (Novak Prod)